La dormeveille

Giuseppe Bonaviri est par excellence un brasseur de temps, d'espaces et de styles. L'histoire qu'il nous conte dans La dormeveille relève à la fois du roman d'aventures, de la conjecture visionnaire et du traité scientifique. Le titre même du livre désigne le moment qui précède le sommeil : un état privilégié de la vie des sens et de l'âme. Les personnages de La dormeveille sont pour la plupart des spécialistes de cette phase intermédiaire entre les règnes du jour et de la nuit. L'Américain Joseph Cooper et son assistant Gutemberg, l'Italien Epaminondas et son disciple Mercoledi, le Chinois Li Po et la belle mulâtresse Zaïd vont accomplir ensemble un long voyage qui les mènera jusqu'en Chine, aux îles de la Sonde, sur la lune même, puis à New York... Mais il y a la Sicile aussi, toujours présente, où le vent berce les feuilles des oliviers, où les hommes parlent de la douleur de vivre à leurs ânes aux yeux tristes, où, dans l'aride sécheresse, des processions s'ébranlent pour demander au ciel la faveur d'un jour de pluie...

Tour à tour lumineux et halluciné, en proie à l'allégresse ou à la mélancolie, La dormeveille est sans doute un roman excentrique, une candide hérésie littéraire. Mais déjà Giorgio Manganelli l'avait reconnu : «La prose de Bonaviri est un carmen, un enchantement rythmique, écrivait-il. Elle n'est pas une manière de décrire le monde, mais de l'aider à agir. Ce n'est pas une prose qui exige qu'on la comprenne, mais que l'on croie en elle.»