La maîtrise du noeud

«Maîtriser le noeud/mais la corde a ses deux bouts/l'ultime nous manque.» Emmanuel Brélivet est allé trop tôt «ambitionner le néant». Qui était-il celui qui notait à la base d'un de ses dessins: «Elle attend l'enfant ou l'enfant attend sa mère»? Une ruche d'histoire? La faim des baisers, «brode baiser coton»? Un voyageur énigmatique allant vers nulle part? La pression du temps et des saisons se logeait trop fort dans son coeur d'homme. «Et le temps passe comme je pisse/régulièrement, sans passion et parfois à côté.» Les tempêtes de l'existence guettaient ses regards de poète, confirmaient les rouges instants de ses songes. Ses poèmes renouvellent les fines étoffes du rêve. Le poète croyait au pouvoir des chansons, mais l'amour... Son art poétique frôle nos respirations inquiètes. Il a ouvert les portes de la nuit jusqu'au fond des nerfs. Ce livre-étreinte raconte un monde perdu. Les images langagières dénudent la nudité. C'est peut-être pour cela qu'il marchait vivant dans sa mémoire comme l'ange de l'oubli et des solitudes.

Emmanuel est cet écrivain qui, très tôt, a vu les commencements du monde et pressenti les limites de ce monde. Il confiait à la mer-océan son énergie vitale, son coeur débordant, son fol humour... sa constante provocation à l'amour et à la mort.

«Et j'ai pleuré rivière ce soir-là, sous l'arcade d'un signe», murmurait-il au secret de la page. Ces accents subtils - Emmanuel Brélivet connaissait l'âme des mots - signent la marque de fabrique d'un authentique poète.

Luc Vidal