La perle d'Alexandrie

Plonger dans la lecture de ce roman est une aventure risquée, fascinante, passionnante, bouleversante. Le temps s'y écoule tranquillement, heure après heure, jour après jour, émaillé de ces toutes petites choses de la vie qui, en sourdine, tissent les grands drames. On glisse insensiblement d'une quelconque histoire de vacances familiales, avec tout ce que cela peut comporter d'anodines péripéties, vers les noires profondeurs du malheur et des âmes tourmentées.

On passe du rire aux larmes et des larmes au rire, avec toujours, derrière la légèreté d'une banale chronique, le spectre de l'incroyable violence que le destin inflige aux âmes pour les mettre à l'épreuve, les sauver ou les broyer. Mort et résurrection? Résurrection et mort? L'une et l'autre de ces deux équations cohabitent dans ce roman, où s'anime toute une galerie de personnages dans un enchevêtrement de sentiments et de péripéties dont les ressorts, à la fois symboliques et psychologiques, ne sont pas sans rappeler certaines pages de Faulkner. Et où, à l'instant où l'on croit avoir enfin abordé le calme rivage du salut après la traversée du plus funeste danger, l'auteur nous piège dans la spirale d'une lourde et douloureuse descente aux enfers, pour nous précipiter dans les convulsions d'un dénouement inattendu et tragique.

Afnan El Qasem dessine ici d'une plume magistrale une somme de portraits, de sentiments et d'événements tissés sur la trame d'une histoire simple, mais dont les racines sont ancrées au plus profond des tourmentes du passé. Le dernier chapitre laisse le lecteur sans voix.