La reconquête

« J'ai passé quinze ans en Algérie, sans rien comprendre. Je pense que même le diable ne peut pas savoir ce qui se passe là-bas ! ». Ainsi parlait Robert Ford, ancien ambassadeur des USA en Algérie. C'était en 2008. Et si le diable lui-même ne peut comprendre ce qui se passe en Algérie, comment voulez-vous que ce soit lui qui ait fomenté la Révolution du 22 février ?

Et si, tout simplement, ce jour-là, l'Histoire avait décidé de rectifier son cours d'une seule étincelle, celle qui, pour de bon cette fois, a mis le feu à la conscience collective ? Car il s'agit bien d'une révolution, portée par une impérieuse volonté de délivrance (« Yetnahaw gaä ! »).

Ainsi, « édifié sur la faillite de tous les partis qui prétendaient le défendre », comme le soulignait déjà l'Appel du 1^er novembre 1954, le peuple a choisi d'employer d'autres armes : des moyens délestés de toute violence (« Silmya. silmya ! ») et un civisme qui - allez savoir pourquoi - étonna le monde. Des moyens au service d'une volonté inébranlable de vivre dans un état de droit, des exigences exprimées en marchant et en chantant, drapeaux brandis par centaines de milliers, et sur des slogans où le trait d'esprit le dispute au réalisme et à la détermination. Des marches interminables et des chants de ferveur et de fraternité (« Khawa, Khawa ! »), sans céder ni à l'angélisme ni à la glorification.

Et aujourd'hui, six mois après le 22 février ? Il faut raison et vigilance garder. Rien n'est joué. Et, comme le dit Djamila Bouhired, héroïne de la Guerre d'indépendance, dans sa Lettre à la jeunesse en lutte : « Il vous appartient de dessiner votre avenir et de donner corps à vos rêves ! ».