La résistance spirituelle 1941 - 1944

Dans les dernières semaines de 1941, alors qu'à travers toute l'Europe flottait la croix gammée et que la France était soumise aux prédications résignées d'un vieux maréchal, de petits opuscules commençaient à circuler sous le manteau à Lyon, dans le Sud-Est, le Centre, le Midi. Intitulés Cahiers du Témoignage chrétien, ils étaient dus à l'initiative d'un jésuite intrépide, le père Pierre Chaillet, aidé de quelques amis de son ordre et d'une poignée de catholiques et de protestants. François et Renée Bédarida, qui eux-mêmes rejoignirent ce petit noyau courageux, présentent ici une anthologie de ces textes clandestins, témoignages de ce que fut la Résistance spirituelle.

Cette Résistance ne fut pas seulement patriotique, elle portait le fer contre l'envahisseur, mais visait surtout son idéologie. Le titre du premier Cahier - «France, prends garde de perdre ton âme» - donne le ton de ces écrits, qui se veulent tout autant d'analyse que de combat : il s'agit de comprendre le nazisme comme idolâtrie de la force, comme racisme foncièrement opposé à l'éthique évangélique, et comme néo-paganisme destructeur des valeurs fondamentales de la civilisation chrétienne. Avec grand style et avec la virulence de ceux qui ont choisi de dire non - y compris à leur hiérarchie ecclésiale - au péril de leur vie, les auteurs s'en prennent à l'antisémitisme, au culte du surhomme, à l'esprit de soumission. Leur message, ressuscité ici par deux historiens des années noires, demeure une composante majeure de la Résistance. Mais au-delà de l'Histoire, il s'adresse aujourd'hui à nous tous, avec la même urgence.