La tempête

«Parle-lui, Thomas. Dis-lui ce qu'elle désire entendre. Le temps vous est compté, tu sais. Là-bas, les bûcherons s'activent. Il doit y en avoir partout avec des agents de l'EDF, des soldats du génie, des spécialistes des travaux publics. Sait-on ce qu'un État organisé peut imaginer pour se mettre en travers de l'amour? Dis-lui ce qu'elle mérite d'entendre. Elle a fait tant de chemin pour ça, brisé tant de chaînes. Elle est revenue sur tant de convictions. Dis-lui ce que tu rêves de lui dire depuis cet instant où tes yeux se sont posés sur son visage arrogant, sur sa beauté véhémente et triomphatrice terrorisée par le vide de sa propre sophistication. Lorsque tu lui as demandé de te donner des clous, toi qui passais ta vie à te crucifier aux poutres de tes souvenirs. Puisque c'est à l'homme de parler en premier, fais-lui comprendre que ses yeux gris t'ont foudroyé. Et son air invraisemblable en manteau et escarpins Gucci dans la bouillasse de ce désastre. Des talons hauts sur le Plateau! Dis-lui qu'elle était la plus belle apparition qu'il t'avait été donné de voir depuis le fond de ta nuit, cette orchidée, prête à tuer et qui, par le miracle d'un ouragan invraisemblable, te tendait en tremblant une boîte de pointes à chevrons.»

Une tempête. La grande tempête du 27 décembre 1999. Les solitudes des forêts et des landes du plateau de Millevaches ravagées. Une femme, un homme qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Quatre jours côte à côte, face à face, presque sans un mot.

Une tempête.