La Voix du sang

Dans un pays aussi contradictoire, inique et paradoxal que l'Afrique du Sud, la violence est constante. Tantôt insidieuse ou sanglante, ici brute et là sournoise. Cette violence n'affecte pas seulement la communauté noire des persécutés mais, tout aussi bien, la poignée blanche des persécuteurs. C'est de cette violence qu'il est essentiellement question dans les nouvelles exemplaires d'Ernst Havemann. Remarquable par son dépouillement, son efficacité, le style agit à la manière d'un contrepoison.

Ernst Havemann, qui a parlé zoulou avant de parler anglais, évoque admirablement l'état d'innocence originelle, pour mieux l'opposer aux rudes réalités de «l'âge d'homme» quand, l'innocence perdue, chacun se trouve malgré lui renvoyé dans son coin, au camp de l'oppression ou à celui de la révolte. Ponctuée des chants, des incantations des Zoulous, la plainte de l'homme blanc, crucifié lui aussi par l'injustice, se conjugue avec le cri de l'homme noir, la «voix du sang», le sang versé pour l'honneur et pour la justice.