Le bonheur selon Félisse

Dans son village perdu au bord d'un estuaire, Félisse peine à faire vivre sa famille. Les poissons ne se vendent pas cher, les marins se font alors jardiniers pour joindre les deux bouts. Quand ils ne sont ni dans leur barque ni dans leur jardin, ils se retrouvent « Chez Germaine », bistrot qui est un peu plus que leur résidence secondaire. Là, les conversations n'ont qu'un sujet : les « créas », légendaires esturgeons de l'estuaire qui, à défaut de surpeupler le chenal, envahissent les imaginations... Un soir de brume, Félisse rentre au port avec un créa géant, au ventre empli de caviar. La télévision s'empare du sujet, c'est la foire d'empoigne du côté des mareyeurs pour obtenir le poisson aux oeufs d'or... La fortune de Félisse semble alors être assurée. Mais cela suffira-t-il à contredire l'adage populaire qui dit : « L'argent ne fait pas le bonheur »...

Le brave Félisse parviendra-t-il à profiter des bénéfices pourtant mérités de sa pêche presque miraculeuse ?

Derrière, les flancs blancs du bateau de Quinquin luisaient, comme éclairés par-dessous, à cinquante bons mètres sur la droite. Bien qu'il ait le nez bleu de froid, Félisse se sentait bien. Il adorait secrètement ces instants de solitude brumeuse où tout devenait immense, mystérieux et familier à la fois. À mesure que le moment de remonter le filet approchait, une sourde excitation l'animait du dedans. Un peu à la façon d'un joueur et puis tout au fond de lui, il y avait cette fierté fondamentale de celui qui va chercher sa provende. Il se sentait alors vraiment un homme.