Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 309 pages
Poids : 646 g
Dimensions : 16cm X 24cm
ISBN : 978-2-84206-547-8
EAN : 9782842065478
Le coeur à contre-guerre
Grande Kabylie
mars 1960-mars 1962
Quatrième de couverture
«La guerre d'Algérie ? Deux ans de ma vie, une époque parmi d'autres, un anneau de la chaîne que je me suis forgée année après année, de celles de mes vingt ans à celles qui aujourd'hui cisèlent l'attache de mes soixante-quinze ans.»
C'est ce que j'ai répondu à un vieux et très cher camarade, lorsqu'il m'a reparlé du temps où, «militaires du contingent», nous échangions des heures de rang nos réflexions sur ce qu'impliquaient notre présence et notre quotidien, à Tigzirt, petite ville côtière de la Grande Kabylie. Une façon de lui dire que ce n'était pas «ma guerre d'Algérie», que je ne la ressassais pas, que ce n'était pas l'unique «événement» (encore un mot hypocrite de ce temps) de ma vie. Bref, qu'en ce début de XXIe siècle, je n'étais pas obnubilé par ce qu'elle avait été, et encore moins «responsable» ou «coupable», pas même d'une «culpabilité collective» et partagée de ce qui s'était passé et de l'ignominie que fut cette guerre inavouable.
Mais lui répondait qu'on ne pouvait l'évacuer aussi légèrement, que nécessairement, je devais être concerné par ce qu'elle signifiait. Voici finalement ce à quoi cet échange et tous ceux qui suivirent ont abouti : un récit essentiellement nourri de «choses vues», ce que j'ai ressenti, de la très curieuse atmosphère dans laquelle nous baignions, et plus que tout des personnes que j'ai rencontrées.
J'ai 25 ans, en 1960, lorsque j'aborde en terre algérienne. Je le sais par les journaux et les dires de ceux qui m'ont précédé : il y a eu de très durs combats, des assassinats de part et d'autre, et des massacres plus conséquents imputés généralement aux «hors-la-loi» : les hll des rapports de gendarmerie.
Mais je sais aussi qu'en 1960, l'Algérie est militairement quadrillée, et la «rébellion» sérieusement muselée. Le temps des grandes opérations meurtrières pour les deux camps a pris fin avec l'application du plan Challe - singulièrement la conduite de l'opération Jumelles - et la bataille d'Alger. Cependant, les secteurs montagneux demeurent incertains.
Les appelés qui, comme moi, débarquent à Alger arrivent en un pays, semble-t-il, quasiment pacifié. Nous n'aurons pas à affronter les troupes rebelles du Front de libération nationale, ces troupes restant cantonnées en Tunisie et au Maroc, au-delà de frontières constamment surveillées et difficiles à franchir.
Le récit que j'entreprends de ces deux années algériennes n'est donc pas celui d'un guerrier engagé dans un conflit militaire, mais celui d'un citoyen français âgé de 25 ans, appelé durant son service militaire à prêter main-forte aux forces de police et de gendarmerie de la Nation afin de maintenir l'ordre en des «départements français» en proie à des troubles politiques graves et encore sanglants.
C'est donc en citoyen répondant à ses obligations militaires que je vais vivre ces vingt-quatre mois algériens, et c'est ainsi que mon témoignage doit être entendu. Or je note qu'autant que je puisse au premier abord en juger, je suis face à une opération de maintien de l'ordre que le gouvernement poursuit depuis plus de cinq ans comme une guerre mais sans lui en donner le nom. Aussi, quelles qu'aient été dans les années précédentes les atrocités perpétrées par le FLN et l'horreur des réponses de l'armée française, cela m'impose de faire passer en priorité absolue, et sans concession, les valeurs de la démocratie française et le respect de la légalité républicaine.