Le coeur terrible

L'OUVRAGE
Aux environs de 1760, la tragédie française est en crise : malgré la fidélité d'un vaste public, qui pourrait leur laisser croire qu'il suffit de produire sans se lasser des pièces à la manière de Corneille et de Racine, les dramaturges, qui ne sont pas indifférents aux débats sur le théâtre que provoque l'émergence du « genre mixte », cherchent les voies d'un renouvellement du tragique, du côté notamment d'un recours aux sujets nationaux et patriotiques, d'une exploration de la période médiévale, en cours de redécouverte, ou de la mise en scène de cette variante hyperbolique de la terreur aristotélicienne qu'est l'horreur.

Gabrielle de Vergy (publication en 1770, représentation en 1777), de Dormont de Belloy (1727-1775), et Fayel (publication en 1770), de Baculard d'Arnaud (1718-1805), sont deux tragédies très représentatives de ces efforts pour régénérer le genre dramatique, qui demeure le plus prestigieux : insistant sur la couleur historique médiévale et sur les moeurs de la chevalerie, elles tentent de mettre au théâtre, non sans un important recours à la réflexion théorique, l'une des versions les plus effrayantes et les plus cruelles de l'histoire du coeur mangé, telle que la raconte le Roman du châtelain de Coucy et de la dame de Fayel (1290).

Ce volume entend fournir l'essentiel des repères nécessaires à leur lecture, en les replaçant dans le contexte esthétique de leur apparition et en soulignant aussi bien leurs attaches avec la tradition tragique que leur part de nouveauté. Il contient aussi le texte de Gabrielle de Passy (1777), parodie en prose et en vaudevilles de la tragédie de De Belloy, transposée burlesquement pour l'occasion dans l'univers des bouchers des environs de Paris.