Le couarail improvisé

Cette année-là, il y a bien longtemps, l'hiver fut précoce. Comme le loup attiré par la faim sort du bois, la neige et le froid s'abattirent brutalement sur ce petit village situé aux confins de la Lorraine et de la Champagne, le jour même où le maire devait réunir son conseil municipal.

À circonstances exceptionnelles, réunion exceptionnelle. Le soir venu, le Premier magistrat et ses conseillers se regroupèrent frileusement autour du petit poêle en fonte et, tout en égrenant les questions à l'ordre du jour, se laissèrent aller, à tour de rôle, à conter...

Ainsi, d'une histoire à l'autre, des mirabelles aux loups, du sotré aux fées et de la fiauve au conte de Noël, la soirée, rythmée par les ronflements du poêle - et peut-être par ceux de l'un des conseillers en mal de sommeil - prit un petit air de ces « couarails* » qui s'improvisaient autrefois, à la belle saison, sur le pas des portes ou sur les larges usoirs, et en hiver au cours des traditionnelles veillées.

Alors si la curiosité vous aiguillonne, revêtez la rouge houppelande du lutin qui confère l'invisibilité, poussez discrètement la porte de la mairie, approchez-vous du feu et... écoutez !

(*) Couarail : causerie de femmes et/ou d'hommes sur les seuils des portes ou pendant les veillées.