Le crocheteur

« Tu chevauches l'Histoire, dit le crocheteur, mais tu lui tiens, et à nous aussi, la bride serrée. Je ne t'en fais pas le reproche car tu as laissé aux oubliettes ce qui aurait pu se transformer en un déplaisant journal de guerre chez les Babouins. Tu as d'abord cru que ceux dont nous allons parler te payaient en monnaie franche quand tous les poids étaient truqués, mais quand tu l'as découvert tu as gardé le silence.
Je te demande donc d'ouvrir cet univers et de nous parler des hommes... A nous on ne ment pas. Quand tu écris ce que tu écris là, tu t'arraches les tripes. Tu te fais gloire de dire ce que tu veux dire parce que tu vas mourir bientôt, que tu t'en fous et que tu sais que tout cela vaut tellement peu que tu ne caches plus rien. Tu brises les miroirs et tu essaies de briser les serrures et les secrets parce que tu ne crois pas à la vie éternelle et la promesse entre toi et toi, c'est juste d'aider les survivants à voir clair... en somme tu continues la marche à l'étoile ? »

Ainsi il s'en souvenait encore... il ne m'obligeait à rien, il me forçait juste à faire le point... quand tout était prêt de s'achever...

« On t'écoute... dit-il. »

Et le lecteur, médusé, écoute à son tour cette voix de vieux jeune homme passionné de musique, qui semble ne s'adresser qu'à lui. Qui, contre toute attente, sonde sa vie sans nous la raconter.