Le dos des ours blancs

Sommes-nous ces naufragés qu'observe Pascal Hérault dans Le dos des ours blancs ou simplement les occupants d'une arche pesante qui dérive sans pour autant s'abîmer ?

Lorsque nous marchons dans les rues, lorsque nous longeons des murs blancs de soleil ou des boutiques aux façades illuminées, lorsque nous traversons les couloirs du métro, sans doute, à quelques pas de là, Pascal Hérault pose sur nous son regard et devine nos petites histoires, nos angoisses, nos espoirs aussi. Nous devenons alors le Martin de Vous aimez la poésie ?, la psy de Monsieur O. dans La frôleuse, la quadragénaire du Sac à main. L'un va, hésite, revient sur ses pas, l'âme lourde du crime qu'il a commis ; l'autre ivre du discours sexuel de son patient rêve sous une pluie chaude de se lover dans les bras d'un amant ; la dernière, étonnée d'être courtisée à son âge, flâne dans ces rues, insouciante, oubliant sa fille qui l'attend. Nos existences sont à l'image de ces rêves trahis dont parle Fernando Pessoa, et que nous conte Pascal Hérault dans ses nouvelles avec une grande sensibilité et un soupçon d'humour.

David Nahmias