Le lieu nomade dans le cinéma de Charles Chaplin

Parler du lieu nomade, c'est chercher dans le lieu le chemin... Le lieu nomade, c'est l'espace recréé par l'imagination, creusé par le miroir qui le prolonge jusqu'au bout de la terre.

Dans le cinéma de Chaplin, se lit un lieu qui sans cesse se déplace dans l'espace et le temps. Au-delà de l'Angleterre victorienne qui se glisse dans l'Amérique des immigrés puis du maccarthysme, c'est le monde actuel que dessine Charlot avec sa canne de bambou.

À l'aube du XXI^e siècle, l'espace des villes nous montre le fossé qui existe entre les compagnons de Charlot et la société qui les encercle, les repousse ou les assiste. Les dictateurs sont toujours là et le monde de l'argent écrase l'humanité, les lumières de la ville éblouissent, les voitures qui agressent Charlot ou se dérobent à lui ne sont plus le lieu possible des contes de fées. À l'aube du XXI^e siècle, celui qui ne vous ressemble pas est toujours renvoyé sur un espace absent, une terre qu'on lui refuse...

Chaplin, de son regard visionnaire et humaniste, a vu notre monde dans le regard nomade du petit vagabond. Charlot voit toujours la lumière au bout de la route, parce que, dans les trous de sa misère, il voit l'espace qui sauve ou qui rend la vue; lui, le pauvre qui n'a rien, peut recueillir et sauver, soigner et semer, il envoie au monde un message silencieux que chacun peut lire dans les lignes de l'arc-en-ciel qui brille à la fin du Dictateur comme dans les trous de ses gants ou de ses chaussures. Charlot toujours se relève en montrant les failles du monde à travers le lieu nomade, un lieu où il nous apprend à chercher le chemin.