Le peuple élu

Yozip est l'homme des situations impossibles. Il se croit devenu un Vrai Américain, un cow-boy parcourant les plaines de l'Ouest sur sa monture, mais il n'est qu'un pauvre colporteur trahi par son drôle d'accent, sa barbe rousse et sa casquette. Cependant c'est un homme de convictions, qui sent confusément qu'un grand destin l'attend. Et quel destin ! Comment imaginer que celui qui a pour habitude de laisser son cheval décider de leur itinéraire se retrouve du jour au lendemain promu adjoint au shérif, puis désigné comme l'élu du Grand Esprit et enfin investi de la mission la plus périlleuse qui soit, guider sa tribu d'Indiens vers la terre promise, le Canada ? Quand on connaît le sens de l'orientation de Yozip, pardon. Jozip de son nouveau nom d'Indien, le Peuple élu a bien peu de chances de parvenir sans encombre à destination. Et si Jozip n'a rien d'un combattant, encore moins d'un tacticien, il a cependant l'âme d'un sauveur, doté d'une naïveté à toute épreuve, l'une de ces qualités paradoxales qui vous font accomplir autant de miracles que d'erreurs fatales.

En somme. Yozip appartient à la série des gaffeurs qu'affectionne Bernard Malamud, ces hommes dont la vie se joue, plus qu'ils ne la jouent. Parfois le miracle se produit et ils réussissent à prendre en main leur destin mais le plus souvent, les dés sont pipés.

Les aventures de ce Moïse inattendu sont drôles, émouvantes, apparemment invraisemblables, voire absurdes, mais elles sont l'occasion pour Bernard Malamud de démythifier l'histoire américaine, de présenter l'envers du décor de la Conquête de l'Ouest et de jongler avec les siècles.