Le Sujet de l'Empereur

De Heinrich Mann (1871-1950), les Français se rappellent surtout les célèbres disputes avec son frère Thomas et un film, tiré par Joseph von Sternberg d'un de ses premiers romans (Professor Unrat), qui fit de Marlène Dietrich une star : l'Ange bleu.

Pourtant, homme-protée de la culture allemande (non seulement il écrivit une dizaine de romans, du théâtre, quantité d'essais de critique littéraire et sociale, mais aussi une grande biographie historique de notre Henri IV) et figure majeure de la résistance démocratique au nazisme (dès sa première année d'exil, en 1933, il écrivit directement en français un pamphlet anti-hitlérien, la Haine, publié à la N.R.F.), Heinrich Mann mérite beaucoup mieux que l'oubli relatif dans lequel, paradoxalement, les jambes somptueuses de Marlène et la gloire de son frère l'ont fait tomber.

Cette édition nouvelle de son roman le plus célèbre (dont le premier tirage, en 1918, était colossal pour l'époque : 100 000 exemplaires !), le Sujet de l'Empereur (Der Untertan), qui narre sur un mode satirique l'ascension d'un arriviste dans l'Allemagne de l'empereur Guillaume (personnage dans lequel on a pu voir le portrait prophétique du petit bourgeois gavé de mystique nationaliste à bon marché, qui soutiendra Hitler), devrait permettre à Heinrich Mann de retrouver en France sa vraie place, celle d'un grand écrivain qui fut aussi un grand démocrate.