Le vagabond ensorcelé

« S'il est vrai, selon la parole biblique, qu'il a suffi de trois Justes pour sauver une ville de la colère de Dieu, ce sont de tels êtres que Leskov, au terme d'une large expérience de la vie russe et d'une profonde méditation intime, essaie de découvrir dans sa patrie, parmi les siens et chez les " braves gens " de préférence, les saints cachés ou obscurs. Rien ne témoigne de la richesse de cette connaissance de la vie russe que son livre le plus répandu hors de Russie en même temps que l'une de ses grandes réussites : Le Vagabond ensorcelé. Le héros en est Ivan Severianovitch Fliaguine qui, pressé de questions sur un bateau par des voyageurs de diverses conditions, se lance dans le récit de son étrange existence d'enfant voué à Dieu sans le savoir et qui passe par toute une série d'épreuves - et même par trois crimes - avant de rejoindre la vie monacale qui était, semble-t-il, sa destination secrète.

Nicolas Leskov découvre ici une des faces admirables de son talent qui consiste à suggérer, d'une part, le cheminement le plus obscur des âmes, tout en s'attachant avec minutie aux conditions " terrestres " dans lesquelles ce cheminement s'effectue. D'où la double vertu de ce livre : profondeur et variété, continuité et fantaisie, bref, vérité et poésie. »
Georges Haldas (extrait de La Russie à travers les écrivains que j'aime, L'Age d'Homme)