Les années perdues

Vitaliano Brancati a tout juste vingt-sept ans lorsqu'il entreprend en 1934 la rédaction des Années perdues. De la même génération que Lampedusa et Vittorini, autres grands écrivains siciliens, il a été attiré par le fascisme. Mais très vite il quitte Rome et prend en haine toute pensée totalitaire. En un sens, Les Années perdues est le roman de son retour à Catane, ville dont il est originaire.

Mais peut-on confondre Brancati avec son héros Leonardo, lui aussi de retour et repris en main par une mère possessive ? «Les mamans sont nos pires ennemies... Ces mamans siciliennes qui font des enfants pour les manger.» La Sicile, métaphore de la mère dévorante, est plus généralement au cœur des livres de Brancati, l'auteur du Bel Antonio rendu célèbre par le film de Bolognini et l'interprétation de Marcello Mastroianni.

Une mélancolie déchirante plane sur Les Années perdues. Celle qui accompagne l'enlisement de personnages trop velléitaires dans les parlottes de café et la mort à petit feu, ambiance qui n'est pas sans rappeler les Vitelloni de Fellini. Toutefois, la prose de Brancati reste concise, stylisée, intensément moderne et presque comique.

Cet «écrivain singulier et génial» selon Moravia est mort prématurément à Turin en 1954, des suites d'une intervention chirurgicale jugée pourtant bénigne.