Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 219 pages
Poids : 329 g
Dimensions : 13cm X 22cm
EAN : 9782882411587
Quatrième de couverture
Les Contes des jours volés
Le lendemain, quand il me demanda, à peine arrivé, pourquoi les hommes pleurent, je lui avais concocté une fable dont il sortirait plus intrigué qu'avant. Il me quitta songeur et je gagnai un deuxième jour. Puis un troisième, un quatrième, et ainsi de suite, presque chaque matin jusqu'à maintenant. Je ne sais pas combien de temps est passé. Des années, des siècles ?... J'ai toujours trente-quatre ans, il me reste sept jours à vivre, et il en sera ainsi tant que je ne me lasserai pas de lui chanter mes fariboles.
Ma ruse est simple, mais mon ange est candide. Comme tous ceux de son espèce, c'est un être de plénitude et de vérité. Une sorte de dogmatique, en somme. Pour lui, les choses sont ou ne sont pas, depuis toujours et à perpette. Il ignore ce que sont le doute et la contradiction, ne décèle ni la ruse ni l'ironie. Il est incapable de penser le temps, la perte, l'usure, incapable de penser le temps, la perte, l'usure, incapable d'éprouver une émotion. Bref, il ne nous comprend pas. Et c'est bien ce qui le chiffonne. Car, dans son orgueil, il ne peut pas admettre que quelque chose dans le monde lui échappe. Qu'est-ce qu'un homme ? me demande-t-il chaque jour. Qu'est-ce qu'un être de temps ?... Je fais semblant de connaître la réponse, d'avoir du moins un exemple à lui proposer, et je pousse la porte d'une biographie imaginaire ou je lui sers un conte à ma façon. Mais voilà : mes personnages se défilent devant leur destin, leurs désirs restent insondables, leurs quêtes n'aboutissent pas et leurs uniques certitudes sont absurdes ou inutilisables. Nouvelle énigme pour lui, nouveau sursis pour moi. Les questions indéfiniment viennent répondre aux questions, car ce qu'il cherche à comprendre n'a aucun sen et n'en aura jamais, ni pour lui, ni pour nous. Tant mieux car, je le pressens, l'homme ne survivrait pas à son déchiffrement.
Pourquoi nous racontons-nous des histoires ? Pour tromper la mort ? Par peur du noir ? Ou parce que la réalité ne suffit jamais à notre plaisir ? Faire diversion et se divertir : c'est l'enjeu des Mille et Une Nuits que l'on retrouve dans ces récits. Peut-on les appeler fables pour leur valeur d'illustration ? Parler de fantastique en ce qui les concerne ? Oui, mais d'un fantastique de la perception - et d'une illustration par l'absurde.