Les enfants de Calvin et Rousseau

Les revendications et accusations dont la Suisse a été l'objet dans un passé récent ont atteint un pays économiquement fort mais atteint de nanisme politique. Comment expliquer la passivité du gouvernement et des institutions politiques et leur incapacité à défendre les intérêts et la dignité du pays ?

En tant que diplomate et historien préoccupé par le spectacle d'un tel abandon, Jean-Pierre Ritter, fâché par l'attitude de contrition généralisée et peu réfléchie des spécialistes de l'auto-flagellation, essaie d'en trouver les causes.

Après un bref et très vigoureux exposé des événements récents, il remonte le fil du passé au cours duquel nos institutions sont nées et où les attitudes d'aujourd'hui trouvent leurs racines.

L'exposé va et vient entre le passé et le présent, accordant une place centrale aux deux grandes figures, Calvin et Rousseau, qui ont si profondément façonné notre pensée : l'homme renfermé et industrieux, qui se méfie du pouvoir public et qui refuse de participer aux vains jeux du «monde», porte encore en lui les traces de leurs enseignements.

Cet essai est stimulant en ceci qu'il empoigne un certain nombre de «vérités helvétiques» bien établies, les tourne et les retourne rapidement et en démontre les ressorts, en fait ressortir les paradoxes. Le tour est joué : la Suisse n'est pas ce que l'on croyait. Le lecteur est secoué. En se plaçant au niveau de sa culture - politique ou autre - l'auteur le touche dans sa sensibilité, la leçon est superbement administrée.

Ce livre, à l'écriture vigoureuse, a du panache. Il s'agit bien d'un pamphlet et théologiens et historiens, que certaines de ses thèses pourraient faire bondir, ne devraient pas l'oublier. En effet, il est parfois nécessaire de frapper fort, sans ratiociner comme les docteurs de Molière, alors que le malade se meurt.