Les enfarinés

Jusqu'à ce début d'automne 1793, rien n'avait véritablement altéré la félicité des Fourcous, dans leur beau domaine de la Bécarie, un balcon des confins de l'Auvergne jeté au-dessus du Rouergue. Le tumulte de la Révolution qui avait jusque-là glissé comme une onde lointaine bouleversa soudain leur existence avec l'arrivée de l'abbé Lazuech, prêtre réfractaire fuyant les persécutions. Cet événement devait conduire cette famille de paysans à se retrancher de sa communauté pendant plus d'un siècle, de 1801 à 1931.

Voici, à travers la vie d'une famille, l'histoire d'un schisme, celui des enfarinés, ces catholiques qui choisirent l'isolement d'une religion sans prêtre et sans sacrements. Ce roman, serrant de très près la réalité, raconte la vie de trois générations successives, leur attachement à la foi de leurs anciens, mais aussi leurs doutes et la révolte de certains d'entre eux qui, par idéal ou par amour, quitteront leur famille.

Pourtant les enfarinés ne sont pas des intégristes vengeurs. Leur solitude, la paix de leurs vallons et de leur coeur, les lancent sur des chemins d'une stupéfiante modernité : ils sont foncièrement pacifiques, laïcs, républicains, attachés, alors que personne n'y songe encore, à l'idée de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Plus étonnant, chez les Fourcous puis les Malbert, c'est à chaque génération une femme qui sera investie de la sauvegarde et de la conduite des affaires de religion. Enfin, les enfarinés sont aussi des écologistes avant la lettre. Dans la contemplation paisible des splendeurs de la nature, ils inventent une sorte de religion naturelle.