Les Etats-Unis, une géographie régionale

Les Etats-Unis ne sont pas seulement vastes. Ils sont aussi divers, avec des milieux étagés entre pôle et tropique, des montagnes aux formes tantôt lourdes, tantôt déliées, des volcans dont certains en activité, des plaines dont l'ampleur n'implique pas la monotonie. A cette diversité naturelle répond une non moins grande diversité des activités et des enjeux régionaux : au Nord-Est encore imprégné de valeurs européennes, s'opposent un Sud marqué par les séquelles du système esclavagiste, des montagnes où le mineur, le cow-boy et l'Indien se mêlent aux tenants de la haute technologie, un rivage pacifique qui se voudrait porteur de valeurs nouvelles dans un monde nouveau.

Cette diversité, ce foisonnement des paysages à peine tempéré par une certaine recherche d'uniformité dans le décor urbain, ne peuvent être réduits à la classique mais fallacieuse opposition entre sun belt et industrial belt. Il existe - ce sur quoi cet ouvrage insiste - un vieux Sud riche à côté d'un vieux Sud pauvre, de même qu'à la Californie Hi-tech, se mêle une Californie des immigrants pauvres et des clandestins. Mais, quelle que soit la partition spatiale adoptée, toutes les régions des Etats-Unis se sentent en concurrence les unes avec les autres. A l'idée européenne et surtout française d'égalisation des chances régionales par l'aménagement du territoire, s'oppose ici l'idée de concurrence entre Etats, à travers des législations du travail de plus en plus laxistes, des taux d'imposition attractifs par leur faiblesse, une pratique de plus en plus sauvage du libéralisme.

Au stade actuel de cette compétition, marqué par la remise en cause de l'Etat fédéral, les oppositions régionales se font plus vives, tout comme l'opposition entre riches et pauvres. A terme, ce manque de cohésion sociale et spatiale pourrait aboutir à une série de fractures opposant aussi bien les régions dynamiques aux régions en perte de vitesse, que les quartiers riches aux quartiers pauvres, les émeutes de Detroit ou de Los Angeles ne constituant peut-être que des signes avant-coureurs. Faut-il pour autant parler de course à l'abîme ? S'il est plus décapant que complaisant, le regard que posent les auteurs sur le pays et ses problèmes, n'est pas pour autant dépourvu (...) qui ne manquera pas d'entraîner le lecteur.