Les Finlandais

Jean-Pierre Frigo est un journaliste franco-finlandais ayant vécu plus de vingt ans en Finlande. Il a participé au projet « Finlande, une approche culturelle » et est l'auteur de Osteri ja ruisleipä, tentative de synergie gastronomique, et de Finnois express, guide linguistique accéléré sur la langue et la société finlandaises.

Céline Boyer, artiste photographe, a invité des personnes d'origines différentes à témoigner sur leurs ancêtres, leurs racines.La série de photographies Empreintes (publiée aux éditions Parenthèses en 2013) mêle le tracé cartographique de leurs origines au « portrait » d'une main à chaque fois unique. Emblématique, cette main personnifie la collection « Lignes de vie d'un peuple », centrée sur la vie réelle des gens. En couverture, la main de Pekka, 56 ans.

Pekka, 56 ans
Je suis originaire d'Oulu, une petite ville de Finlande située au bord de la Baltique, à 200 kilomètres du cercle polaire. Une ville universitaire relativement prospère, et calme jusqu'à l'ennui. En temps que jeune étudiant en architecture, j'étais devenu sensible à l'appel de la grande ville et aux possibilités sans fin de la vie urbaine. Mais il ne m'était jamais venu à l'esprit de m'installer à Paris, qui me semblait hors de portée, ne serait-ce qu'en raison de la barrière de la langue. Ma connaissance de la culture française se limitait aux films de la Nouvelle Vague et à la littérature classique, de Dumas à Camus.
Survint une rencontre avec une Parisienne, quelques allers et retours entre nos deux pays ; je me retrouvais en 1990 à Paris, jeune architecte boursier. Poussé par l'optimisme, le sens de l'aventure et un sentiment d'omnipotence, je me trouvais spectateur d'une vie que je ne comprenais pas et que je ne maîtrisais plus. Ce fut une bonne leçon d'humilité. J'avais cherché des défis à mon existence, jusque-là trop facile et sécurisée, et j'en avais là une bonne dose. Mais avec ce que les Finnois appellent sisu, cette ténacité dont ils sont si fiers, l'intégration se fit peu à peu et Paris devint « ma » ville, une métropole très stimulante, excitante et, par tradition, ouverte au monde entier, mais uniquement si vous avez quelque chose à lui apporter. Car Paris est comme une très belle femme, attirante mais impossible à courtiser.
Toute ma famille et mes meilleurs amis sont toujours en Finlande. J'essaie de garder un maximum de contacts avec eux. Je travaille aussi de plus en plus là-bas et, de manière générale, j'essaie de tisser des liens aujourd'hui trop rares entre ces deux pays. J'ai toujours parlé finnois à mes enfants et ils sont tous bilingues, ce dont je suis assez fier. Nous allons souvent en Finlande et passons toujours nos vacances d'été là-bas sur notre bateau en bois, à rendre visite à des amis, s'amarrer dans des ports de plaisance ou explorer les îles sauvages de l'archipel finlandais. C'est une occasion d'enseigner à mes enfants l'amour de la nature, le respect de sa puissance et de ses colères. C'est un bon équilibre avec la vie parisienne.