Les garennes de Mulsanne

Mulsanne est un nom qui, dès qu'on le prononce, déclenche dans l'imaginaire des passionnés de sports automobile du monde entier, des images, des émotions, une vision qui n'ont besoin d'aucune traduction. Car l'on vient d'évoquer un des hauts lieux du circuit international des 24 Heures du Mans, rendu célèbre par la télévision et la mondovision.

Mais c'est aussi pour un jeune garçon qui venait tout juste d'avoir dix ans en 1939, un monde riche et plein, où le chant des oiseaux, les facéties des garennes et des écureuils le disputaient aux parfums doux ou épicés des fougères et des lichens, paradis chaque jour renouvelé sur le chemin de l'école communale.

Toute cette sérénité allait voler brutalement en éclats un certain jour de septembre avec la déclaration de guerre. Et le cœur et les yeux de Jean seront souvent meurtris, frappés, mais aussi parfois étonnés et même émerveillés. De 1939 à 1944, Mulsanne verra d'abord sortir de terre un vaste camp militaire d'entraînement réservé aux Britanniques. Puis, après leur départ précipité en juin 40, et notre débâcle, les Allemands s'y installeront et le transformeront en camp d'internement pour les prisonniers français. Plus tard, en 1942, les Français seront eux-mêmes relayés par les Tsiganes emprisonnés. Alors que la Résistance s'intensifiera et que les bombardements alliés se multiplieront sur la région mancelle, le camp de Mulsanne sera laissé à l'abandon pendant plus d'une année. Jusqu'en juillet 1944 où la division Patton et les Américains ayant libéré Le Mans, y feront leur entrée. Les Allemands, de geôliers, deviendront à leur tour captifs.

Quelques années plus tard, les derniers prisonniers rentreront dans leur pays et le camp sera définitivement fermé et rasé.

Les 24 Heures automobiles retrouveront leurs marques.

C'est le regard de cet enfant, pendant ces années terribles, qui dessine «Les Garennes de Mulsanne».