Rayon Historiographie
Les historiens de garde : Lorànt Deutsch, Patrick Buisson et le roman national

Fiche technique

Format : Broché
Nb de pages : 264 pages
Poids : 400 g
Dimensions : 14cm X 19cm
ISBN : 979-10-91887-08-3
EAN : 9791091887083

Les historiens de garde

Lorànt Deutsch, Patrick Buisson et le roman national


Collection(s) | Essais
Paru le
Broché 264 pages
préface Nicolas Offenstadt
Tout public

Les libraires en parlent

Les trois auteur.e.s décortiquent avec méthode le phénomène du best "Métronome", ses implications et ses répercussions. 

Ils en viennent à interroger et à reposer les conditions ainsi que les réalités de l'histoiren d'aujourd'hui .

Mr Simon Serna (Librairie Le Genre Urbain)

 

 

L’histoire est elle un bien ou un mal commun ?

           La question peut se poser quand on en voit ses usages. Ici ceux très médiatisés de Lorànt Deutsch, auteur du Métronome, et de sa série tv défendue par Patrick Buisson[1].

         C’est à ce moment qu’intervient le C.V.U.H.  - Comité de Vigilance face aux Usages Publics de l’Histoire.Si les Usages Publics sont au pluriel, l’Histoire est singulière. Commune, elle appartient à tout le monde, et non pas à personne, là est un autre nœud.

            Les historiens Blanc, Chéry, Naudin et Offenstadt, s’appliquent à travers les figures de Lorànt Deutsch et Buisson, à démontrer et démonter, l’existence, les moyens de réécriture de l’histoire, des historiens de garde.Ces historiens répondent aux chiens de Nizan, et plus récemment à ceux munis de nouvelles canines et gueules des réalisateurs Baldastre et Kergoat[2][3].

Parmi ceux à qui appartient l’histoire, il y a Lorànt Deutsch. Un moment on se demande si l’affaire peut être un malentendu. L’acteur en voudrait aux historiens et autres professeurs froids, de ne pas parler sa chaude langue de comédien, donnant à sentir le récit de l’histoire. Les historiens en voudraient à l’acteur de ne pas avoir leur sérieux, leur prudence, leur conscience scientifique face à la discipline. Mais M. Deutsch donne au récit valeur historique et son succès, relayé par les médias, empiète sur les publiques bandes de l’histoire.

            L’affaire devient politique autant que scientifique. C’est le rôle du C.V.U.H. d’entrer de plein pied dans l’histoire fantasmée de France. La loi du 25 Juin 1794 est rappelée au lecteur, elle est le « miel des historiens », qu’ils soient professionnels ou amateurs[4]. Elle donne accès, à tout citoyens, aux sources, aux archives. La citation de la source, au delà de l’exercice universitaire, est la condition de la démocratisation de l’histoire. C’est sans elle, que l’histoire devient un fantasme de privilégié. C’est sans citer ses sources, ou en les déformant qu’écrit Lorànt Deutsch.

Les auteurs refont le travail de pesée, de recoupe, qui aurait du être celui du comédien. L’argumentation scientifique redevient ce qu’elle est parfois : une longue et lente passée au tamis des sources, incomplètes souvent. L’ennui pourrait poindre, et la cause de Lorànt Deutsch être jugée avec complaisance.

Malheuresement pour lui, les énormités réactionnaires de M. Deutsch réveillent. Le travail des auteurs est celui d’aiguiller l’esprit alerte du lecteur. Les pages de l’ouvrage sont compulsées, ouvertes régulièrement sur la bibliographie, le lecteur participe à la recherche, en commence la validation – et donc la critique. C’est toute la vertu républicaine de la source, et de la note de bas de pages, qui est démontrée.

 Deux grands fantasmes agitent les historiens de garde : le peuple et l’héritage de l’histoire de France. Le peuple, sans trop entrer dans le débat, on peut imaginer pourquoi : depuis la loi de 1794, il lui suffit d’avoir du temps et de la volonté pour pouvoir mettre à bas les histoires de France, même bien rythmées par le Métronome. Le second nait de l’ignorance, et de la propension à chacun de se penser l’ami des puissants. Juxtaposée à l’idée d’héritage, c’est celle d’un patrimoine français, legs direct des rois de France qui est avancée.  Lorànt Deutsch fait des révolutionnaires les « profanateurs » de cet héritage[5].  A mauvaises connaissances mauvais ennemis : c’est cette même révolution qui invente l’idée d’un patrimoine national, et la nécessité de le conserver. Versailles n’a pas été pensé pour qu’un jour la foule des parisiens s’y presse et admire.

             Les vœux du baron Haussmann pour l’espace parisien pourraient être ceux de Lorànt Deustch pour son histoire parisienne : « Il faudrait que tout le monde m’aidât, au lieu de s’entendre pour m’entraver dans l’ouverture de ces grandes artères stratégiques allant du centre à la circonférence de Paris, qui refouleront peu à peu les ouvriers à l’extérieur pour les y disséminer et qui serviront aussi à les y suivre pour les contenir au besoin »[6]. C’est bien ce à quoi aspirent les historiens de garde, leur voix bien aidé par les artères, déjà construites, des médias. Car derrière le succès du Métronome, c’est une véritable machine de guerre idéologique qui œuvre. Mais les idées sont plus complexes à bâtir qu’un immeuble Haussmannien, et les fondements de l’histoire plus solide que ceux du sol de la capitale.

Le C.V.U.H., et à travers lui tout citoyen, est appelé à faire sa modeste Commune. Appelé à tenir les barricades, avec ses outils démocratiques et scientifiques, d’une histoire qui appartient à tous, avec la source comme gage d’abolition des privilèges.

 Les auteurs rappellent que l’histoire est « un combat »[7]. Leur ouvrage est nécessaire à la discussion publique de ses usages. Néanmoins le possible succès des historiens de garde, vient aussi de l’absence d’un véritable effort de la part des historiens, du C.V.U.H. comme d’autres, à la tache de vulgarisation. Si il y a combat, tous les postes doivent être occupés, sinon il est évident que d’autres y feront forteresse. Se battre contre la posture d’une histoire vivante, attractive et « interdite », n’est pas confortable[8]. C’est devoir prendre le visage de l’agresseur, quand les plus grandes violences se servent du visage souriant et « rebelle » de l’acteur Lorànt Deutsch[9].

 

[1] Deutsch Lorànt, Métronome, l’histoire de France au rythme du métro parisien, 2009, Michel Laffont – Patrick Buisson est directeur de la chaine Histoire. [2] Paul Nizan, Les chiens de garde, 1932, Agone[3] balbastre, Kegoat, Les nouveaux chiens de garde, 2012http://www.lesnouveauxchiensdegarde.com/[4]  Les historiens de Garde, p. 91[5] ibid, p.71, p.109.[6] ibid, p. 87.[7] Ibid, p. 221.[8] Ibid, p.19. [9] Ibid, p.135.

 

Quatrième de couverture

A la publication du Métronome : l'histoire de France au rythme du métro, les médias intronisent le comédien auteur comme un autorité historienne. Avec sa nostalgie d'un passé fantasmé, son approche participe pourtant du retour en force de récits orientés, portés notamment par des politiques comme P. Buisson. Les auteurs s'inquiètent du réveil de cette histoire nationale rétrograde.

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