Romain Rolland (1866-1944),
né comme beaucoup de Rolland à Clamecy, Romain
n'embrasse pas pour autant la carrière de notaire si prisée
dans la famille (trois générations à l'étude). Lui préférant
l'enseignement, il intègre l'École normale supérieure où
il se lie avec Paul Claudel et André Suarès. Agrégé
d'Histoire puis docteur ès Lettres, son ambition n'est
bientôt plus celle d'enseigner les Lettres mais de les
pratiquer. Il collabore ainsi à différentes revues (littéraires
et musicales), s'essaie à l'écriture de drames (amorce du
«Cycle de la Révolution» en 1898) et donne le jour à
quelques vies d'hommes illustres (Beethoven, Michel-Ange,
Tolstoï...). La publication dans les Cahiers de la
Quinzaine de Charles Péguy de son grand roman
initiatique Jean-Christophe entre juillet 1903 et octobre
1912 lui donne enfin l'occasion de se faire un nom dans
les Lettres et de vivre de sa plume. Surpris en 1914 par la
déclaration de guerre alors qu'il séjourne en Suisse, il y
reste et publie dans Le Journal de Genève le pamphlet
pacifiste Au-dessus de la mêlée. Nobelisé en 1916, il profite
de sa notoriété pour mettre en garde l'Europe contre la
prolifération de ses cimetières. Manifestement sourde à
ses nombreux manifestes publiés dans la presse, Rolland
fustige l'aveuglement des nations par le biais de fictions
(Liluli en 1919, Pierre et Luce et Clérambault en 1920),
avant de se noyer dans l'écriture d'un dernier roman-fleuve
(L'Âme enchantée, 1922-1933).
De son exil à Villeneuve à sa retraite à Vézelay, il poursuit
dès lors les chapitres d'une oeuvre où plane la sagesse
hindouiste, la musique de Beethoven et le dernier
mouvement d'un «voyage intérieur».
Frans Masereel (1889-1972),
né à Blankenberghe, le graveur belge Frans Masereel
sèche rapidement les Beaux-Arts de Gand pour s'installer
à Paris en 1912. Il publie ses dessins dans la presse (Les
Hommes du jour, Le Rire) et s'initie à la gravure. Passé en
Suisse en 1915 pour faire oeuvre utile auprès du Comité
international de la Croix-Rouge, Masereel fait la
connaissance d'écrivains pacifistes (Arcos, Jouve,
Rolland, Zweig). Si la guerre ne peut justifier à elle seule
l'existence des militaires en les supprimant, Frans se
propose d'en graver les désastres dans la presse pacifiste
(Demain, Les Tablettes, La Feuille) et dans ses deux
premières suites gravées Debout les morts et Les Morts
parlent publiées en 1917. L'année suivante, il fait paraître
25 images de la Passion d'un Homme. Si l'on trouve des
ce premier roman graphique composé de bois gravés les
thèmes de prédilection de l'artiste belge (la ville
dévoreuse d'hommes, la lutte des classes et
l'incommunicabilité entre les deux sexes), l'originalité
du livre ne réside pas tant sur le fond (un idéaliste qui
meurt pour ses idées) que sur sa forme ; un récit en
images sans légende ni texte.
Encouragé par les écrivains de la Mitteleuropa, Masereel
entreprend pendant l'entre-deux-guerres - parallèlement
à son activité d'illustrateur - une série de romans
xylographiques que nous pouvons «lire» aujourd'hui
comme un constat sans concession d'une société malade,
ivre de progrès et de profits.