Madame Clapain

«A Langres, Mme Clapain prend pension chez Ida et Ursule Cadifon, deux sœurs qui vivent de maigres rentes après avoir tenu une "papeterie pieuse". Ida, "intelligente mais nourrie de roman", voit en Mme Clapain une femme bizarre, inquiétante même ; pour Ursule, "douée d'un sens pratique excellent", leur locataire est une personne de tout repos, et elle en veut pour preuve qu'elle leur a été recommandée par leur sœur Angélique. Quoi de plus banal que cette recommandation et l'arrivée de Mme Clapain dans la quotidienneté de Langres, où un M. Pirètre, juge de son état, se montre curieux du passé de la nouvelle venue cependant que le curé se renseigne sur sa piété, se demandant si elle a ou non quelque chose de "moscovite" - nous sommes en 1920... Ce que nous savons de l'homme est limité à ce qu'on peut appréhender de ses vices et de ses vertus, à ce qu'il laisse paraître de ses angoisses ou de ses espérances, c'est-à-dire peu. Comme d'un iceberg, l'essentiel de l'être échappe à la vue, à la compréhension. Il y a un monde invisible plus vaste et plus fort que ce qui nous est donné à percevoir par nos sens. C'est ce monde qu'Estaunié s'emploie à rendre sensible par le truchement d'une histoire qui, dès lors, dans son cadre de province, avec des vieilles filles ou des petits notables, et des événements qui n'ont l'air de rien, atteint à l'universel.»

Pierre-Robert Leclercq