Errances, entre aliénation et résistance

Ce n'est pas pour satisfaire aux injonctions de la mode qui prône l'errance comme mode de réalisation de soi que nous avons choisi de traiter de ce thème. La quête des satisfactions narcissiques, la recherche des plaisirs immédiats, l'abandon au culte de l'individu nous apparaissent bien plutôt comme autant de symptômes d'une société délitescente qui, progressivement, a sacrifié les limites et les références qui autorisaient un monde commun.

Dans une perspective socio-anthropologique, l'errance nous est apparue comme un phénomène social total dont l'analyse est susceptible de nous fournir les éléments permettant de mesurer l'ampleur du malaise social, la profondeur de la crise de civilisation. Cette posture nous a permis d'appréhender un double registre de l'errance, placée à la fois sous le signe du dessaisissement ou de l'abandon, qu'ils soient subis ou choisis, et de la recherche du lieu acceptable (nouvelles aspirations utopiques, nouvelles formes de réenracinement), comme forme de résistance à de nouvelles normes sociales devenues pour beaucoup inacceptables : prévarication, flexibilité, perte des garanties institutionnelles, émergence de nouvelles formes de vulnérabilités sociales, écologiques, sanitaires, alimentaires, etc.