Marinette Cueco

Lorsque, lycéenne, je découvrais au cours de mes promenades en forêt les éléments, miraculeusement vivants, des planches d'anatomie végétale de la salle des sciences, ce qui n'était au départ qu'un sujet d'étude plutôt indigeste devenait un vrai mystère, une énigme pour initiés. Le rite pour pénétrer le secret se révélait être la simple mise en ordre, mais jubilatoire parce qu'à la fois raisonnable et poétique, de toutes ces fantaisies dont les savants dévoilaient le pourquoi obscur et les liens étranges. Ils rassemblaient des familles, qui, ainsi structurées et nommées, permettaient de découvrir, connaître et reconnaître chaque minuscule fragment de cet immense tissu végétal ininterrompu, qui tapisse et enveloppe montagnes et vallées, ne s'arrêtant pas aux limites des eaux, et emplit l'atmosphère d'odeurs et de vapeurs nourricières.

Je savais déjà qu'un vrai lien, qui s'est révélé bien plus solide que je ne le soupçonnais alors, me liait (me ligotait, devrais-je dire) à cette forme de vie fertile, créatrice et intelligente.

Aujourd'hui, et depuis quelques décennies déjà, je vais d'errances en arpentages, de cueillettes en découvertes, un flou vacant de l'oeil qui voit sans voir comme on regarde un pré, alternant avec une recherche aiguë qui choisit, analyse et trie, en un va-et-vient infiniment répété. Alors, il faut nommer, pour établir l'intimité nécessaire au long compagnonnage, prendre sans posséder ni détruire, et donner forme avec respect.