Médecin de campagne

«Je bois l'essence de l'Archange pour digérer» avait dit un patient à François, médecin de campagne. La potion consistait en marjolaine et angélique mêlées d'argile. Sur les terroirs du Centre de la France, du Val de Loire au Limousin où François officiait, l'usage de ces remèdes était habituel.

Dans les années 1970, le «toubib» est encore l'homme à tout faire : recoudre, plâtrer, accoucher. Il est aussi le confident qui écoute, apaise. Celui qui soigne une famille, du nourrisson au vieillard, qui accompagne la naissance de l'un, la mort de l'autre. Voici François et Florence l'infirmière au fil de ces pages qui dégagent un fumet de soupe mitonnant sur les cuisinières à bois. Ils vont soigner le maréchal-ferrant, l'homme des bois, le châtelain, le maître de maison, le bienheureux du village, la gueule cassée de 14-18, la femme aux sangsues... etc.

L'ordonnance est rédigée sur des tables en chêne en compagnie des chats, chiens et volaille.

Puis, un jour, François prend le temps de regarder un champ de bleuets, ces fleurs disparues des blés à cause des traitements. Ce soir, il va ranger sa trousse pour commencer une seconde vie. Il dira alors cette phrase du photographe Boubat : «Prendre la clef des champs, c'est aussi prendre la clef du temps».