Mistral en héritage

Lorsqu'il me fut donné de pouvoir rencontrer Pierre Fabre, le capoulié du Félibrige depuis dix ans, et d'ouvrir le dialogue avec lui, j'ai eu l'extraordinaire sentiment de rencontrer un homme de la modernité. Lui, pourtant héritier du message et de la philosophie de Frédéric Mistral, n'avait de cesse de se référer à notre société, à ses rouages, à ses espoirs et à ses luttes. A Forcalqueiret, c'est bien avec un sage que je me suis entretenu, qui a foi en l'avenir et inclut dans son combat de chaque jour la survie de son autre culture et de son autre langue. Je retrouvais même au détour d'une réponse, sans surprise finalement, mes cultures et mes langues originelles, étant moi-même issu de deux civilisations méditerranéennes : la grecque et l'italienne. Car ce vaste espace roman, ce mare nostrum, avait déjà été rêvé par Mistral qui savait que chacun est une petite part d'un ensemble ne pouvant survivre à l'abandon de la moindre de ses petites parts.

Venu écouter l'homme de la Provence par excellence, j'ai rencontré le contraire d'un folklore ressassé en petit comité, d'un passé lentement dépouillé de sa vie pour en faire un Eden perdu. Non, j'ai été confronté à un homme à la pensée profondément universelle, à l'immense ouverture d'esprit, aux mains sans cesse tendues pour offrir un grand rêve mistralien à la taille et à la mesure de notre présent. Chacun des mots de Pierre Fabre, dans ce livre tout comme dans chacun de ses discours, est appel à conserver son authenticité et sa liberté, mais exprime aussi ses souhaits d'une véritable solidarité interrégionale, clé de toutes les réussites de demain, en terme d'exception culturelle.

Gérard Blua