Namlos

- Il faut nous mettre à jour, vous comprenez. [...] Monsieur le Directeur, le Nouveau, m'en sera reconnaissant. Il s'est élevé contre le gaspillage qui régnait dans cet établissement, vous comprenez. Mais comment lutter contre les us et coutumes du lieu, les petites habitudes? [...] J'ai observé avec une grande attention, que dis-je encore, la plus grande attention et j'ai compris: les gens jettent par habitude, tout le temps, vous comprenez. [...] J'ai donc remplacé cette poubelle. [...] Mais aussi les autres, toutes les poubelles de l'établissement, aux regards de résultats à la fois rapides et escomptés, par des boîtes aux lettres. [...] Les gens hésitent, ils ont peur, peur du ridicule, croyez-moi et bien souvent, encore est-ce peu dire mais disons-le, ils ne jettent plus ce qui allait être jeté, toutes ces choses qui de toutes façons peuvent encore servir. C'est sûr! Et qui resserviront, croyez-moi.

Namlos: «sans nom», en allemand. José Leroux nous donne sous ce titre le monologue d'un homme dont on comprend petit à petit qu'il est le pensionnaire d'un asile psychiatrique où pour poster une lettre, on doit la jeter à la poubelle... On passe d'ambiances kafakaïennes à des scènes oniriques dignes des surréalistes. Mais quelques souvenirs du narrateur - scènes de consommation au supermarché - suggèrent que les plus fous ne sont pas toujours ceux que l'on croit...

Un beau roman à l'écriture exigeante par quelqu'un qui se définit lui même comme un fou... de littérature.

Écrire, oui écrire ces mots alignés et de la phrase au sens, vois-tu, lent et long règlement de tous les sens. Assujettissement? Hypertrophie de la syntaxe? Pas trop, pas trop. Magie du verbe? Ah si cela suffisait! Une feuille, un stylo, un café et les mots, oui ces mots, puisqu'on ne peut faire autrement. Commencer? Alors ce seront des nouvelles, les miennes. Pourquoi pas. Et les envoyer, se manifester. Oui mais à qui? À lui peut-être; lui, cet autre. C'est cela. Exister, si l'on ne peut faire mieux. Exister, enfin, essayer!