Nord-Sud, face à l'urgence

En août 1961, alors bourgmestre de Berlin, Willy Brandt observe les Vopos est-allemand élever le mur sous la protection des chars russes. A l'Ouest, personne ne bouge. Chacun reste dans son camp. L'ordre de Yalta règne. Willy Brandt comprend que pour changer ce monde qui se fige, il lui faut prendre l'initiative. Ce sera la politique du "changement par le rapprochement", puis les "petits pas" de l'Ostpolitik.

Le 10 novembre 1989, Willy Brandt est encore porte de Brandebourg. Il contemple la foule en délire qui salue l'écroulement du "mur de la honte". Il sait qu'il a été le principal artisan du long processus qui débouche sur ce grand moment. Pensif, il semble déjà ailleurs, à la façon de ceux qui, bien que n'ayant jamais l'air pressé, sont toujours en avance d'une pensée, d'une époque ou d'un monde. Mais gare à ceux qui voient trop loin, trop tôt... Willy Brandt l'a souvent appris à ses dépens.

Visionnaire dérangeant, puis acteur déterminant du jeu Est-Ouest, Willy Brandt déploie à présent, dans le cadre de l'Internationale Socialiste, la même passion pour les rapports Nord-Sud que pour le rapprochement Est-Ouest.

Pour lui, la misère du Tiers Monde renferme tous les risques d'explosion et de dérives violentes. Mais les peuples du Sud peuvent tout aussi bien se révéler, humainement et économiquement, comme le "réservoir de survie" de l'humanité. Tout dépendra en fait de l'attitude, solidaire ou au contraire égoïste, des "nantis" du Nord-.

Willy Brandt analyse ici, dans un discours rythmé par les questions pertinentes, de Jean Lacombe, les conditions d'une coopération généreuse, donc intelligente, entre le Nord et le Sud. Il ouvre aussi de nouvelles perspectives en vue de trouver des solutions au Proche-Orient et en Amérique centrale.

Est omniprésent dans ces pages, le souci de voir les Européens jouer un rôle plus déterminant dans le règlement de ces conflits, autant que dans la redéfinition des règles du jeu économique planétaire.

Michel Meyer