Nos disparus

Sam Simoneaux alias Lucky, le chanceux, n'a pas la barracca pour autant. Et pourtant, après avoir échappé de justesse à l'hécatombe de la Grande guerre, il décroche un poste inespéré (pour un Cajun) dans un grand magasin de la Nouvelle-Orléans. C'est lorsqu'il est tenu pour responsable du kidnapping d'une petite fille dans son rayon que ses affaires se gâtent. Grand échalas sentimental, pianiste médiocre mais déterminé, il n'a d'autre choix que de s'embarquer sur l'Ambassador, dancing flottant délabré qui sillonne le Mississippi au son du jazz naissant et dans les effluves d'alcool de contrebande. Au rythme des bagarres monstres entre fêtards turbulents, il mène son enquête dans l'arrière-pays sudiste pour retrouver Lily, s'exonérer de sa faute et, peut-être, remettre un jour son costume de citadin.

Sam est un personnage d'ombre et de lumière, seul survivant du massacre de sa famille alors qu'il n'était qu'un nourrisson, il porte en lui le poids du chagrin d'avoir perdu son fils à l'âge de deux ans et doit souvent s'expliquer sur son absence de goût pour la vengeance. Dans ce roman foisonnant de vie, Tim Gautreaux dépeint une société en mutation, empêtrée dans ses fractures raciales, peuplée de fieffés coquins et de belles personnes rassurantes. Il souffle sur "Nos disparus", un vent de folie saturé de jazz New Orleans. Tim Gautreaux se fait le chantre lucide et inspiré des espoirs et des peines d'une humanité ballotée par la houle des tragédies, mais qui n'en est pas moins poussée en avant par l'emballement des années vingt.

Un roman émouvant, riche et profond, comme les eaux limoneuses du Mississippi !