Paroles ouvrières

Paroles ouvrières des usines à la campagne

Combien d'ouvrières et d'ouvriers vendéens savent qu'ils vivent dans le département de France comptant la plus forte proportion d'emplois ouvriers ? Ici, le nombre ne suffit pas à penser une appartenance à un groupe, encore moins à une « classe », ouvrière.

À première vue, le pays de Pouzauges est un monde rural, des paysages de collines ponctuées de taillis de châtaigniers et de vaches charolaises broutant les pâtures généreuses du Haut-Bocage. La culture et la mémoire se portent davantage sur cette réalité qui faisait l'identité principale de la région jusqu'au début du XX^e siècle, même si le monde ouvrier existe depuis des siècles, avec principalement les activités de nombreux tisserands, le long du Lay ou de la Sèvre nantaise.

Cette étrange absence de la mémoire ouvrière constitue le point de départ de notre entreprise collective et la source de nos énergies. Notre démarche est d'éducation populaire : elle va du collectage de témoignages individuels jusqu'à la réalisation de ce livre, avec l'ambition de permettre à chacun et chacune de penser le monde depuis sa condition, de sortir des évidences, de se mettre en mouvement pour chercher à s'émanciper seul et collectivement. Offrir aux personnes habituellement dans l'ombre l'occasion de dire leur réalité de travail ou d'engagement est donc l'objet de cette histoire de vie collective. Pallier l'absence de l'histoire ouvrière c'est aussi enrichir la connaissance commune. Plus de quatre-vingts témoins se sont livrés dans des enregistrements de plus d'une heure pour donner le coeur de ce livre commencé dans les années 1980.

Six secteurs industriels ont fait l'objet de notre approche : les carrières de La Meilleraie, la carrosserie Heuliez, l'agroalimentaire Fleury Michon, les chaussures Patrick, la confection textile et le meuble, dont Gautier. Ils ont façonné le territoire pendant le XX^e siècle, grâce au travail de milliers d'ouvrières et d'ouvriers.

Nous sommes douze collecteurs et collectrices à avoir engagé ce travail d'écoute et de récolte des paroles ouvrières en Haut-Bocage vendéen, afin de mettre au grand jour les réalités et la dignité du travail ouvrier, trop longtemps ignorées. De la fierté des savoir-faire à la souffrance au travail, l'éventail est vaste. Que cette mémoire, aujourd'hui vivante et réactivée dans la densité chaleureuse et la complexité de ses couches, soit transmise et ne demeure pas une mémoire oubliée !
Le collectif Arts Métiss'