Peau d'encre

Tanner fut suffoqué en découvrant le tatouage de Pia. Cet oiseau était la perfection même. La vitalité du mouvement, une sorte d'envol heureux, le sidérait. Et les bleus nocturnes, les bleus d'orage se fondaient en un dégradé subtil avec des rouges éclatants et d'autres moins vifs qui s'insinuaient dans des ors de vitrail, des roux cousus avec des verts de sombre émeraude, des verts plus pâles de lentilles d'eau, de plantes aquatiques, des gris pareils à de l'étain, que soutenaient comme un éclair des bleus encore, mais le bleu du lin, le bleu exact de la robe de la Vierge dans les fresques d'Orvieto, et c'était comme de contempler un miracle.

Tanner est un monstre qui collectionne les tatouages, Pia une casse-cou rigolote qui croit que les écrivains sont des tatoueurs d'âmes, Léo un poète qui s'interroge sur ces traces étranges et définitives que certains choisissent de marquer sur leur corps. Léo a Pia dans la peau, Tanner veut la peau de Pia. Tous trois voguent inexorablement les uns vers les autres.

«Bernard Blangenois écrit des livres denses, prolifiques comme des morceaux de nature sauvage. Ce côté tragédie à l'antique fait penser à Faulkner, Giono. Mais cela suffit comme comparaison, car Bernard Blangenois a son style, inventif et juste, son petit univers personnel.»

Serge Sanchez, Magazine littéraire.