Pierre Antoniucci

Je peins des figures instables.

Elles ont chacune des formats et des techniques différentes. Elles parcourent des espaces dans toutes les longueurs d'ondes. Malgré ces différences, elles sont tenues à des vols parallèles par les liens de contiguïté que tisse chaque exposition. Ces figures sont ordonnées pour s'entrevoir et s'entendre. Elles se proposent ici de construire un récit improbable, se glisser dans un angle du poème, d'anticiper un commentaire. Rien n'est jamais écrit à l'avance, ça vous le savez déjà. Le langage est ce qui veille sur le tableau, ce qui le précède. Ce qui lui succède.

Il est aussi celui qui peut le détruire, ce qui le détruira. J'aime l'écart entre ce qui est vu et ce qui est dit et pensé. J'aime ces bouches qui articulent des lettres carrées dures, qui lancent des torrents de mots, projettent des sens, des espoirs assassins, des illusions retrouvées.

À côté de chaque phrase vole une parallèle de peinture qui invente le monde selon beau et le fait tenir dans une lucarne au fond d'un oeil.

J'aime les tableaux, les figures, les images qui s'arrachent d'elles-mêmes, qui s'abstraient de la manière pour entrer dans la matière. J'aime les images qui surgissent des cendres, des craies blanches, et naissent dans des pigments perroquets.

J'aime les tableaux qui vont se sécher au soleil comme des Vénus, ou dans l'obscurité des cavernes Lascaux ou Platon ou derrière les tamis des musées contemporains où il fait toujours beau.

Où il fait toujours beau.

J'aime ces figures dessinées dans les silences que laisse l'enjambée des mots. Où rien n'est jamais dessiné à l'avance, vous avez beau dire.

Vous avez beau dire.

Le tableau est une parole coupée.

Pierre Antoniucci