Pleurs au fusil

Partant des 41 noms figurant sur le monument aux morts de sa commune, l'auteur nous fait revivre l'ordinaire d'un village de France occupé. Les prisonniers, les mutilés, les hommes du rang, les privations, les amours impossibles, les naissances illégitimes, les décès, la disparition des mariages et des baptêmes : de 1914 à 1918, une plongée au coeur du premier conflit mondial vécu dans ce village, à la fois anonyme et personnel, particulier et universel.

« L'amitié, aussi vive soit-elle, ne peut suppléer l'amour, mais elle peut faire patienter. »

Le héros du village, le premier à rentrer vivant de cette guerre, était devenu ce que, d'une horrible expression qui allait hélas connaître un usage répété, on appela les « gueules cassées ». Le médecin qui l'accompagnait eut juste le temps de prévenir ses parents [...] Non prévenu de la présence d'une fiancée, le praticien n'eut toutefois ni la présence d'esprit ni le temps de penser à Elvire qui, plus agile et plus pressée encore, se précipita dans l'ambulance avant de pousser un énorme cri d'horreur ou d'épouvante et de s'évanouir devant ce corps qu'elle ne reconnaissait plus. De fait, le héros qui rentrait n'avait plus rien à voir avec le sémillant amoureux qui l'avait menée au plaisir suprême en n'ayant que la hâte, partagée, de recommencer.