Poésie, récit

Celui qui continue

"Nous écrirons d'autres poèmes. Un lien temporel, une unique rêverie (pour chaque poésie un récit). Nous passerons par ces portes. Nous écrirons d'autres poésies."

"Il faut que celui qui continue à parler, penser, écrire, n'oublie jamais l'origine furieuse, mais en pacifie l'instinct."

Seize ans entre ces textes. Mais continuer, ici, ce n'est pas poursuivre. Les poésies de Patrick Laupin ne sont pas susceptibles d'offrir dans leur continuité l'apparence ou l'idée d'une progression, même s'il y a changement.

Il y a eu, dès le départ, une intonation de voix, une allure au sens de la temporalité et de la figure, qui peuplent d'un même tremblement celui qui passe, le langage, les visages, les paysages et l'amitié inouïe.

Là où, dans l'écriture, prend corps le continu, celui-ci se diffracte sans séparer la foudre de l'incréé et le rayonnement risqué d'un récit fondamental à la fois sensitif, historique, biographique. Et demeure la voix qui n'oublie ni son départ ni son impossibilité :

"Dès que je fus touché, je fus détruit."

"Un abîme de phrase sépare les phrases."

Qui sait où est la ressource de dire et de penser cela ? Jamais l'écriture ne se prévaut de ce qui la précède ni des termes en lesquels elle se réalise. Elle a l'intelligence tactile du geste ignorant de soi et le brusque génie de sa possibilité. Mais encore, dans ce tourment, elle permet, ouvre généreusement la lecture, son secret silencieux.

"L'homme est une citation qui marche dans le vent."

Roger Dextre