Préférence système

Bienvenu au cœur de la révolution numérique

Avec un roman graphique à l’esthétique futuriste, Ugo Bienvenu aborde de front les grandes inquiétudes qui accompagnent la course au tout-numérique : la mémoire et la transmission.

Dans un futur plus proche qu’il n’y paraît, l’humanité se retrouve face à un dilemme : pour continuer à stocker les données qu’elle ne cesse d’accumuler, elle va devoir en supprimer une partie et se séparer à tout jamais d’un pan de son passé.

On suit ici Yves, archiviste parisien chargé par sa hiérarchie de détruire des fichiers écrits, audios ou vidéos jugés obsolètes. Refusant catégoriquement de rayer 2001 l’Odyssée de l’espace ou l’ensemble de la production de W.H. Auden, notre héros s’insurge en stockant tout ce qu’on lui ordonne de détruire sur un androïde domestique qu’il lui faudra protéger à tout prix.

Avec des tons monochromes et un dessin hyperréaliste proche de la photographie, l’esthétique graphique offre ici la vision d’un futur hygiéniste et grinçant. Par certains aspects, on pense à l’univers de Bienvenue à Gataca qui alerte sur le contrôle grandissant de l’homme sur son environnement, son rythme biologique et même ses souvenirs.

Préférence système répond à toutes nos attentes : qualité de l’intrigue et personnages charismatiques, notamment la figure du robot, entre le Bishop humaniste, touchant et profondément serviable du film Aliens, et le célèbre androïde doré C3PO de Star Wars plein de réparti et piqué d’une pointe de candeur.

Ugo Bienvenu vise juste, jusqu’à la conclusion, parfait équilibre de satisfaction et d’espoir qui donne au lecteur à la fois la furieuse envie d’une suite et un repos bien mérité.

Pour rester performante, une société de plus en plus automatisée efface progressivement ses souvenirs. L'humanité s'efface petit à petit, jusqu'au jour où un "robot-mère", gardien de souvenirs volés par son créateur, s'enfuit... Ugo Bienvenu (Paiement accepté) revient avec un récit d'anticipation qui invite à une réflexion fascinante sur l'intelligence artificielle.