Primo Levi, figure emblématique de la Shoah, écrivain et homme de culture, n'a cessé, toute sa vie, de développer une réflexion humaniste sur la science. C'est l'autre constante de son œuvre, à côté de son témoignage de survivant des camps. Ainsi, son «examen de chimie» à Auschwitz est un monument de littérature, une inimaginable scène de tragicomédie.
C'est grâce à ses connaissances en chimie que Primo Levi a pu survivre à la déportation : sa formation a été jugée utile pour la mise au point de la fabrication de gomme synthétique. Aussi a-t-il estimé avoir contracté une dette existentielle envers la science, avec laquelle il a entretenu une relation intime et intense depuis ses études universitaires. Son travail d'ingénieur dans l'industrie turinoise lui a donné une vision concrète des choses, celle d'un homme qui «met la main à la pâte».
Emerveillé et parfois horrifié par le «progrès», il s'interrogeait sur le potentiel que constituait le savoir scientifique, à la fois chance de survie et risque de perte, occasion d'émancipation et de destruction.
Il a souligné le devoir - l'autre devoir - de briser les clôtures du savoir traditionnel et de suivre Ulysse dans son exploration, périlleuse, du monde au-delà des «colonnes d'Hercule». C'est ce texte de Dante que Primo Levi a choisi pour enseigner la langue italienne, dans le contexte invraisemblable du camp, à un jeune pharmacien strasbourgeois, le Pikolo de Si c'est un homme, Jean Samuel, l'un des contributeurs de cet ouvrage.
La pensée de Primo Levi est remarquablement actuelle, la question de l'eugénétique présente dès ses premiers récits. La peur, qu'il a exprimée, de «couver le cobra» ne nous a pas quittés et se trouve confirmée dans les derniers développements des manipulations génétiques.
Des hommes de science - dont deux prix Nobel - et des spécialistes de nombreuses autres disciplines étudient ici ce lien entre l'esprit et la science, indissociable de la pensée et de l'œuvre de Primo Levi.
Primo Levi s'est donné la mort en 1987 à Turin.