Paru le 27/02/1997 | Broché 176 pages
Sous la plume d'un prof écrivant à visage découvert, on trouvera dans ce livre tout ce qu'ordinairement on tait. Frustrations inavouables et médiocrités routinières, colères remâchées, ambitions éteintes, tendresses, désirs enfuis, enfouis... Nos écoles, lycées ou collèges sont autant de périmètres clos où la vraie vie s'impatiente. Dans la salle des profs flottent d'insondables silences. Il fallait de l'audace pour les briser et du talent pour réussir avec une telle justesse cette ethnologie de la proferie.
Iconoclaste et «scandaleux», ce livre ne cède jamais à la mélancolie ni à la rancune. Il est féroce mais jubilatoire, insolent mais généreux, sans illusion mais sans amertume. Refusant de pontifier ou de prêcher, l'auteur, on le verra, ne s'épargne point lui-même. Anecdotes, comptines, bribes autobiographiques, monologues et portraits sur le vif, ce «carnet de notes» allie la vérité dévastatrice du témoignage à l'inguérissable bonheur d'écrire.
C'est aussi de littérature qu'il s'agit.
«Une gigantesque garderie.
Je garde les élèves et, si je peux, le moral. Le concierge, le bâtiment. Le proviseur, les règlements. Les parents, leurs illusions.
Au fond, la maison ne marche pas si mal: on radoube un peu le rafiot, on sursoit à la catastrophe, on remet l'explosion à plus tard. On est des retarde-chômage. C'est un vrai boulot, ça. On mérite bien de la patrie reconnaissante, non? Grâce à nous, chaque ministre peut refiler au suivant les millions de bébés-fac. On les massacrera plus tard.
On n'enseigne pas vraiment. Et après? On est gestionnaire du chaos, c'est déjà pas si mal. Comme l'a lâché un haut responsable, en privé: les jeunes, il faut bien qu'ils soient quelque part. Mieux vaut à l'école que dans la rue, ou en prison.
J'aime ce langage. Au moins, on est fixé. On s'est juste trompé de porte en entrant. Il est de plus grands malheurs.
Gardien de jour, après tout, ce n'est pas un si mauvais job que ça. Vous voulez de l'École-qui-bricole?
Qui sociocule? Du mumuse gratos?
Du bac pour tous, tous pour rien et rien pour tous? Du bac à sable? A vos ordres, chef. Je suis bouffon, je bouffonne.
Je mets mon nez rouge, une plume dans le cul et roulez jeunesse. Vous ne savez pas vers où?
Moi non plus.»
A. G.
Alain Golomb est né à Paris en 1960. Il a traduit les Lettres à Lucilius de Sénèque (Apprendre à vivre, I et II, Arléa-Poche 1996) et les Satires de Juvénal (La Décadence, Arléa-Poche 1996). Il enseigne la littérature en lycée dans la région Parisienne.
