Propos sur l'Afrique

Sans me défaire de ma hargne à dénoncer, sans totalement abandonner mes charges contre cette Afrique étourdie et imprudente, nullement totalement innocente pour le très mauvais rang qu'elle occupe dans le monde, quoiqu'en pensent des littérateurs et les politiques, je me dis : dans une affaire aux responsabilités, au fond, partagées entre la victime et son bourreau, j'aimerais bien savoir jusqu'où il dépendait des Africains eux-mêmes que tant de malheurs ne s'abattent pas sur leur pays pour si affreusement le défigurer ? L'Afrique ne serait-elle pas, comme dans la tragédie grecque, une victime, à la fois innocente et coupable, des forces métaphysiques inéluctables, jalouses du bonheur des humains ? Qu'elles s'appellent, ces forces obscures, dieux ou Histoire ? Mais, l'une ou l'autre, ou les deux, le résultat de leur intervention est ce destin terrible de l'Afrique.

L'Afrique, ténèbres et effroi, où qu'on se tourne. Mais, en même temps, voici que, comme dans ces grandes compositions musicales de Berlioz et de Wagner, (la damnation de Faust, la chevauchée des Walkyries), des profondeurs monte, grave et douloureuse, une note qui pourrait bien finir un jour par s'épanouir en une vive lumière sur ce continent de ténèbres. Une Histoire tourmentée et odieuse comme aucun peuple au monde n'en fit jamais l'amère expérience a, certes, pour longtemps, perturbé le génie et l'âme nègres. Mais cela ne signifie pas que la cause de l'Afrique soit entendue.