Rainey, l'assassin

« À 10 heures 34 du matin, le svelte et rubicond Sir John Rainey arriva en première classe à King's Cross Station. (À l'attention de ceux qui ne connaîtraient pas les îles britanniques il est bon de signaler que Sir John, comme une bonne partie de l'aristocratie héréditaire locale, était un imbécile et un fat). Nous ne savons pas quelles étaient exactement ses intentions, ni s'il espérait vraiment partir de Londres le lendemain.

Le News of the World, journal au tirage énorme qui déclencha les recherches nationales d'un individu sans importance, affirme que dans sa belle et vieille valise de cuir jaune Sir John transportait huit photos polaroïd d'une seule femme nue dans des positions impubliables, deux culottes de femme Calvin Klein, deux capotes anglaises Durex, un rasoir jetable, trois chemises assez neuves faites sur mesure rue Jermyn, un onguent pour les hémorroïdes, une vidéo du film Crash, un petit flacon de gouttes d'huile de primevères, deux pantalons de coton kaki, un sèche-cheveux bleu cobalt, deux mouchoirs de coton avec ses initiales brodées, trois paires de chaussettes, une brosse chinoise de soies de sanglier, deux lignes encadrées de l'ex-premier ministre Margaret Thatcher (« Johnnie = Merci beaucoup pour votre lettre » et une signature apparemment authentique) et, le plus étonnant, une Anthologie de Jorge Luis Borges [...] »