Raymond Queneau

En multipliant les figures de séduction et en rivalisant de malice pour captiver son lecteur, Queneau a su se placer au cœur des principaux bouleversements de son époque. L'œuvre romanesque se caractérise par un déferlement verbal en vertu duquel la voix de l'énonciation se veut contemporaine d'une réalité qui ne révèle jamais qu'une partie de son visage. Toute la portée sarcastique de la démarche consiste, dans un climat de manque, à parler la demande du destinataire faisant ainsi de l'échange le nœud d'un système où se côtoient désir et désillusion. La mise en place de tels dispositifs passe par l'élaboration d'un montage précis, la création de figures savantes et le déploiement de l'humour qui concourent, comme j'ai essayé de le montrer à travers ces seize parcours critiques, à faire des romans autant d'objets de tentation et de séduction.

Lorsque le poète Queneau emprunte sa plume à l'ami Pierrot pour, loin du tumulte du métropolitain, s'en aller le dimanche battre la campagne ou faire un tour du côté de Rueil, là où végète le chiendent, il se prend à rêver devant quelques fleurs bleues et, fendant les flots de l'imaginaire, s'adonne à quelques jeux icariens sur la matière verbale, extrait du limon de mots anciens un nouveau langage qui, tout en sonnant les derniers jours de la littérature demeure une magistrale pipée.