Réflexions sur le Muséum central des arts, 1792

Il y a deux siècles, J.-M. Roland, ministre de l'Intérieur, faisait voter le décret du 19 septembre 1792 et nommait le 1^er octobre suivant la «commission du Muséum». Il donnait là son coup d'envoi au projet, lancé depuis presque 20 ans, de créer un musée national dans la grande galerie du Louvre.

La politique de Roland soulève une très vive polémique portée devant l'opinion publique en janvier 1793, et rencontre un virulent contradicteur en la personne de Jean-Baptiste-Pierre Le Brun, connaisseur, marchand, écrivain d'art et mari d'une artiste célèbre, Louise-Elisabeth Vigée, émigrée depuis octobre 1789.

Au-delà des motivations personnelles qui relèvent des ambitions déçues et des antipathies instinctives, l'affrontement entre Roland et Le Brun ouvre un débat qui ne s'est jamais clos sur la vocation du musée : Doit-il offrir un spectacle pour distraire ou proposer un discours sur l'art pour instruire ? - et pose une question toujours actuelle : Qu'est-ce qu'un conservateur ?

Le musée, enfin ouvert le 10 août 1793, obéit aux idées prônées par Roland, alors entré dans la clandestinité. Si sa conception muséologique a été rapidement abandonnée pour celle de Le Brun, la déontologie professionnelle qu'il avait défendue est restée un principe fondamental de l'organisation du musée public.

Ainsi le musée est-il encore de nos jours sous le signe des controverses qui ont présidé à sa naissance.

Edouard Pommier