Rodin, les Bourgeois de Calais

Célèbre à juste titre dans le monde entier, Le Monument des Bourgeois de Calais (1889), œuvre d'un Rodin encore jeune, reflète l'intense admiration que celui-ci éprouvait pour l'art gothique et pour les maîtres de la Renaissance florentine, de même que pour les portraits de groupes hollandais du XVIIème siècle. Mais il occupe une place à part dans l'histoire du monument public : au-delà d'un hommage banal à ceux qui se sacrifièrent pour leur patrie, il offre en effet l'image d'hommes comme nous placés dans une situation que nous pourrions connaître. En donnant un caractère universel au groupe, Rodin réalisa l'un des chefs-d'œuvre d'une époque qui mit l'individu et son monde intérieur au centre de ses préoccupations.

Toutefois, par les libertés qu'ils prenaient vis-à-vis des règles qui régissent la sculpture monumentale, les Bourgeois de Calais posèrent des problèmes infinis à la ville de Calais. Ceux-ci se traduisirent, au long du XXème siècle, à toute occasion, par des questions sans cesse renouvelées sur l'œuvre et sa composition, son emplacement, sa mise en scène à ras de terre ou au sommet d'un socle très élevé. Aussi vives, voire polémiques, que lors de l'inauguration en 1895, ces discussions témoignent de la permanence du débat que le groupe suscita à Calais, jusqu'au moment où, ayant enfin trouvé sa place devant le nouvel Hôtel-de-Ville, il fut reconnu sans conteste comme le dépositaire de l'identité municipale.