Voyage au bout des enfers

De Grégoire Biyogo, on connaissait l'égyptologue, le philosophe, l'analyste politique et le romancier, mais jamais autant ne s'était déclaré en lui le poète que dans ce premier texte qu'il livre au public : Voyage au bout des Enfers. A en croire cette somme poétique de cinq recueils, publiés sous le titre générique de Running away : Poèmes ontologiques du lointain, on s'aperçoit que la composition - ou plutôt sa déconstruction - occupe ici une place charnière, c'est-à-dire la première, à travers une combinaison hardie entre l'assomption des héritages et le pari de loin en loin juré de leur dépassement. Le livre use d'une langue dépouillée, avec des «poussières de verbes», un travail sévère sur la langue, les mots et les textes, violemment soumis à l'épreuve d'une disparition douloureuse à travers une Nuit chevrotante, et une fuite sans arrivée, siège des Enfers que visite le poète. Une oeuvre dé-ponctuée, osée, où la parole du lointain devient stochastique, transgressant les tabous, le sacré même, rendue à ses randonnées et au silence fécond qui la reconfigurent, avec un verbe dé-conjugué, n'usant plus que de l'infinitif et du gérondif comme pour faire entendre les râles lancinantes des Enfers. Texte inaugural, dédié à juste titre à Aimé Césaire, qui sonne la superbe du poème.