Sacralité de l'art

...il faut connaître ce qu'on entendait exactement par art dans les sociétés sacrales. L'activité artistique ne s'y distinguait pas essentiellement des autres activités et le mot art lui-même s'appliquait aussi bien au métier d'artisan qu'à celui d'artiste proprement dit ; le mot art désignait couramment la philosophie, la grammaire, la géométrie, et l'arithmétique, bref ce que l'on appelait justement au Moyen-Age les arts libéraux. C'est la preuve qu'au Moyen-Age « l'art était tout autre chose que ce que l'on conçoit aujourd'hui sous ce nom, qu'il impliquait une véritable connaissance avec laquelle il faisait corps en quelque sorte ; et cette connaissance ne pouvait être évidemment que de l'ordre des sciences traditionnelles » (Guénon). Cette conception de l'art se rattache à la conception générale propre aux sociétés traditionnelles, à savoir que toute activité humaine dérive des principes supérieurs, ce par quoi elle est transformée et intégrée à la tradition, constituant pour celui qui l'exerce un moyen de participer effectivement dans sa vie quotidienne, à cette tradition (Guénon). Dès lors, on comprend qu'une telle conception des métiers et de l'art n'a pas son origine dans des circonstances historiques, et qu'il n'y a pas à proprement parler d'histoire de l'art ou de cause contingentes : tous les métiers, en effet, « dérivent de l'" état primordial " qui les contient tous en principe et, par là, ils se relient aux autres ordres d'existence, au-delà de l'humanité même, ce qui est d'ailleurs nécessaire pour qu'ils puissent, chacun à son rang et selon sa mesure, concourir effectivement à la réalisation du plan du Grand Architecte de l'Univers » (Guénon).