L'affaire Vladimir

« Comme pour chaque ronde, le sergent Flamme se mit à quatre pattes pour tenter de regarder par en dessous, dernière étape de sa recherche approfondie. Il fut immédiatement saisi par l'odeur et un instant son estomac se crispa. Il frissonna. Il ne pouvait pas s'y tromper. C'était une odeur de sang, si facilement reconnaissable et si difficile à décrire. Il l'aurait retrouvée entre mille. Elle l'avait souvent frappé. Enfant, lorsqu'il se coupait, il y cherchait le goût des repas, croyant parfois discerner du bout de la langue une saveur récente. Lors des secours à des victimes gravement blessées, elle le surprenait par son caractère universel et entêtant. Elle évoquerait toujours ce règlement de compte près de Pigalle où il avait pincé, de longues minutes, l'artère carotide d'un homme égorgé.
Il colla sa joue contre le sol et tenta de regarder sous la porte. Il ne distinguait rien. Pendant de longues secondes il huma doucement l'odeur si particulière et légèrement enivrante, cherchant avec quel produit il aurait pu la confondre. Dans les romans policiers, on aurait dit "douceâtre", terme difficile à comprendre et à appréhender. Ici, elle était nette, incontestable et étrangement émouvante.
Flamme se releva. Ce fut à ce moment qu'il aperçut au pied de la porte la tache sombre formée par le sang qui avait coulé. »